Quand le certificat d etude a disparu

Que vous l’ayez passé dans les années 1940 ou 1950 ou bien au-delà, ou que vous souhaitiez découvrir cet examen tant redouté par les écoliers d’autrefois, l’épreuve du certificat d’études primaires, le fameux “Certif’” vous attend le 30 juin à Génelard.

Trois heures d’épreuves concoctées au Pôle culturel et touristique d’après les archives des différentes décennies : du français, des mathématiques, de l’histoire-géographie et des “leçons de choses”, un condensé du véritable examen qui exigeait des candidats de « savoir ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ». Deux sessions sont proposées,...

Mercredi 15 janvier 2020, le musée de l'Éducation de Rouen (Seine-Maritime) proposait de passer le certificat d'études dans les conditions des années 1900. On s'y est essayé.

Quand le certificat d etude a disparu

Les copies des élèves d’un jour sont bourrées de calculs et autres ratures : le certif’, c’est pas facile ! (©JBM / 76actu)

« On avait bien plus de place derrière le pupitre, à l’époque. » Assise au deuxième rang de cette classe d’un jour, Monique, 86 ans, a décidé de repasser ce certificat d’études qu’elle obtenait avec brio en 1947, lorsqu’elle avait 14 ans. « J’étais bonne élève », explique-t-elle, tout sourire.

Mercredi 15 janvier 2020, le musée national de l’Éducation de Rouen (Seine-Maritime) proposait à qui le souhaitait, de (re)passer dans les conditions des années 1900 son certif’, célèbre examen créé en 1866 et disparu en 1989. Je m’y suis essayé.

Bon. C’est parti. « Sachez que les questions sont tirées de vrais sujets d’examen de 1895 », explique notre institutrice du jour. pic.twitter.com/JfCxyiPdc3

— Jean-Baptiste Morel (@JB__Morel) January 15, 2020

La dictée est éliminatoire

Les copies distribuées, la salle serait presque fébrile lorsque Léa Goyer, notre institutrice du jour par ailleurs médiatrice au musée de l’Éducation, nous invite à démarrer l’examen. D’abord, la dictée, que j’aborde avec une certaine sérénité, entremêlée tout de même, faut-il bien l’avouer, d’une petite touche d’angoisse : et si le journaliste que je suis se voyait éliminé dès la première épreuve pour des coquilles hénaurmes ? 

En effet, la dictée du certif’ était éliminatoire pour quiconque y faisait plus de cinq fautes. Je pars ainsi avec l’info en tête, me disant que j’ai le droit à cinq doutes. Le texte, signé Henry Gréville, s’intitule « Midi en été ». Première hésitation sur les « troupeaux haletants » : c’est un adjectif ou un participe présent, « haletants » ? D’habitude, lorsque je rencontre ce type de doute, je change de mot : technique efficace. Mais là, si je mets « troupeaux essoufflés », ça ne va pas aller.

« Du vent pastel ? »

Je tente — avec succès — l’adjectif. Lorsque l’institutrice dicte ensuite « à peine une onde de vent [pastel] » que j’écris bêtement phonétiquement sur ma feuille, je m’aperçois ne rien comprendre à la phrase que je suis en train de poser sur le papier. Ma voisine Isabelle, jeune retraitée de la fonction publique, est dans le même état que moi, bloquée face à sa feuille. Du « vent pastel » ? Non, j’ai beau chercher : ça ne veut absolument rien dire.

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« J’ai cru que c’était un truc poétique », me lancera ma camarade de classe au moment de la correction. Il fallait en fait entendre « passe-t-elle » — je l’ai compris in extremis, l’honneur est sauf. À la fin du texte, je suis assez serein. Monique, quant à elle, s’insurge : « À mon époque, le professeur faisait deux relectures du texte ». Nous pensons ainsi à lancer un grand mouvement de contestation, mais l’institutrice finira par céder, nous coupant l’herbe sous le pied.

Un marchand achète 786 moutons…

On passe aux maths, où normalement, je devrais également plutôt bien m’en sortir. Du moins, le pensais-je, avant de lire le premier énoncé :

Un marchand avait acheté 786 moutons à 45 francs la paire ; il en a perdu 17 par suite de maladie. Combien a-t-il revendu chacun des moutons restants s’il a gagné 1540 francs ?

Euh. OK. Ça fait beaucoup de chiffres à mettre dans le bon ordre. Et d’abord, depuis quand achète-t-on des moutons par paires ? Et qui achète 786 moutons ? Je me noie dans les chiffres sans que ça n’ait aucun sens. « On peut se servir d’une calculatrice », lance désespérée une candidate. « Non », répond, l’impitoyable institutrice.

Alors on réapprend à tous poser tout plein de multiplications à virgules et autres divisions à trois chiffres. Mes premiers calculs à moi sont complètement idiots n’aboutissent à rien d’autre qu’à faire chauffer ma gomme : je multiplie sans aucune logique tout avec tout. Dépité, je lâche l’affaire et lis le début de l’énoncé du second problème de mathématique — « Une montre avance de 6 minutes en 24 heures… » — avant de me raviser. OK, les maths, on verra plus tard.

Ces problèmes, explique Léa Goyer, les enfants avaient entre 11 et 14 ans lorsqu’ils les résolvaient pour le certif’. Celui des moutons faisait d’ailleurs l’objet d’une épreuve de 1895. « Mais ils s’y préparaient beaucoup, ils s’entraînaient sur des exercices du même genre », tempère, bienveillante, l’institutrice s’amusant bien de nous nous arrachant les cheveux.

Après le _____ la récompense 

Puis viennent l’explication de texte, l’histoire, la science, la géographie et surtout l’instruction morale, où l’on est invité à compléter des phrases du type : « Après le ____ les remords » (crime) ou encore « Après le ____ la récompense » (travail). Autant de phrases que les instituteurs faisaient apprendre aux élèves pour les faire devenir « de bons citoyens ». 

Une heure après le début de l’épreuve sonne l’heure de la correction. Je finis avec un honorable 16/20. La major de promo, institutrice de métier, affiche un joli 17,5. Les quatre candidats ont décroché leur certif’, qu’ils ont pu signer à l’encre. Monique est ravie, la voici de nouveau diplômée, 73 ans plus tard.

L’émotion. On l’a eu ! On signe notre diplôme à l’encrier. pic.twitter.com/TKMKsuiec3

— Jean-Baptiste Morel (@JB__Morel) January 15, 2020

Le musée de l’Éducation proposera d’autres sessions pour (re)passer son certificat d’études. Pour ne pas les manquer, gardez un œil sur leur compte Twitter.

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