Inventer une fable avec des animaux et une morale

Le Mâtin qui s'en était allé chasser

Maître Mâtin, un beau matin, alla chasser à courre. Belle récompense, se disait-il, s'il rapportait quelque pâture fraîche au maître du logis. Il croyait déjà voir l'os à moelle juteux qu'on lui lancerait dans la cour : son œil gourmand brillait déjà de plaisir. La décision est prise, et notre jeune dogue, puissant, fier de ses muscles, se flatte déjà d'être un nouveau Nemrod.

Il part seul : alerte et vif, il s'enfonce dans le bois, galope, aboie, cherche des yeux sa proie. Notre jeune Mâtin réfléchit et se dit : « Il faut jouer de ruse et se tapir dans l'ombre. Là, restant bien tranquille derrière un fourré, je verrai bien jaillir d'un terrier quelque lièvre, quelque chevreuil, que dis-je, quelque cerf ! » Il s'exaltait et faisait des châteaux en Espagne. Son os, dans sa pensée, avait crû de moitié : pourrait-il seulement le traîner tant il était de taille respectable ?

Sitôt dit, sitôt fait : le voilà bien tapi sous un feuillage épais. Il attend, il écoute, il guette, l'oreille dressée et les yeux écarquillés. Et là, surgit un lièvre. « Et voilà mon affaire ! » se réjouit le dogue, salivant à souhait. Il saute hors du fourré, se précipite sur Jeannot, qui l'aperçoit, se rend compte de son imprudence.

Et notre lièvre de partir au triple galop. Il court, à perdre haleine, il sent que le chien se rapproche. Messire Mâtin, devant lui, ne voit plus que son os… Alors qu'il se croyait déjà pris, désespéré, au détour d'une allée, Messire Longues Oreilles tombe sur un marais. Agile comme un élastique, léger comme la plume, il saute, il évite la boue. Le mâtin n'a pas cette aubaine ! Aveugle au danger, il se précipite tête baissée, et, plus lourd, s'embourbe bientôt dans la fange. Le voilà donc bel et bien pris : il sent bien qu'il s'enfonce…

Alors terrorisé, il supplie : « Ô lièvre, mon ami ! Au secours, je m'enfonce ! Toi qui as évité heureusement ce danger, viens à mon aide ! Tu en seras remercié ! Tu seras l'hôte de mon palais… et friandises je te donnerai. Mais fais diligence, je n'y vois déjà plus guère… »

Mais le lièvre, sourd aux supplications, détale et ne l'entend plus guère. Le dogue se plaint alors en son langage, regrette sa vanité et pleure son aveuglement. Surgit un autre lièvre qui de loin avait observé la poursuite. Il était vieux, matois et sage, il avait du marais un vieil usage. Il s'approche lentement, quelque peu : l'âge apprend la prudence. Messire Mâtin autrefois avait croqué un sien cousin, tout frais et fringant, il s'en souvient ! Il reste donc à distance. Notre Mâtin se croit sauvé.

« Mon ami ! Sauve-moi ! Ne laisse pas ton prochain mourir sans lui prêter la main ! Pitié, mon bon lièvre ! De ce mauvais pas sauve-moi !

– Et par toi me faire croquer ? répond l'agile et sage animal. Je ne suis pas si sot, Dieu merci ! Nombre d'accidents font que l'on meurt ici-bas : la violence, la faim, la misère tous les jours font leur œuvre. Mais ce ne sont pas eux qui t'ont mis dans ce mauvais pas : ta sottise et ta gourmandise, tout autant que ta convoitise envers la gent aux longues oreilles que si souvent tu croquas sont cause de ton malheur. C'est bien auparavant que tu aurais dû songer qu'en toute circonstance on peut avoir besoin d'un plus petit que soi ! De ce piège-ci tu serais sorti si d'aventure on t'avait instruit de la fable « Le Lion et le Rat » ! Dieu me pardonnera, je pense, de n'être pas sot comme toi ! »

1. Trouver une morale et son titre

Avant de vous lancer dans l’élaboration d’une histoire, commencez par trouver cette morale. Avec cet objectif en tête, l’écriture en sera facilitée, l’intrigue plus efficace, et le titre s’imposera. Celui-ci s’articule en deux parties liées par « et » en opposant deux noms. De quoi attirer le lecteur et lui présenter en un clin d’œil les principaux personnages.

2. Décrire une situation de départ

Quelques lignes suffisent pour planter le décor. La concision s’impose !

3. Dépeindre des personnages

Appuyez-vous sur leurs particularités physiques et/ou morales. N’hésitez pas à forcer le trait pour les rendre plus drôles. Introduire des dialogues au milieu de l’histoire est une option intéressante pour rythmer l’action et typer les personnages. Un procédé d’ailleurs employé dans Le loup et l’agneau.

4. Faire progresser l'intrigue

Plongez vos personnages dans une situation qui va, forcément, poser un problème. Votre mission : créer un conflit, faire naître un antagonisme.

>>> À lire aussi sur Lepelerin.com : Écrire son récit de vie : les 40 questions pour se lancer

5. Déboucher sur une solution

Mais comme une fable doit à la fois plaire et avoir une visée instructive, il faut une morale à cette histoire, une leçon de vie.

6. Composer à la manière de La Fontaine…

… rime avec versifier. Le poète a choisi des vers de six, huit, douze syllabes. Vous n’êtes pas obligé de rédiger en vers. Le style de l’auteur offre une marge de manœuvre importante. N’hésitez pas à les dire à voix haute pour vérifier que les rimes fonctionnent bien.

7. Les erreurs à éviter

Pas plus de deux ou trois personnages, sinon vous êtes dans une pièce de théâtre. Parfois un seul suffit comme dans La laitière et le pot au lait. Quant à la versification, elle ne doit pas se faire au détriment de l’intrigue, du style et de la concision. La grâce de la fable, c’est cette impression de légèreté et de fluidité qui demande un vrai travail de fond.

Et aussi : détourner une fable

Prenez une œuvre de La Fontaine : vous allez la retravailler en la remettant dans le contexte actuel. Vous pouvez aussi la réécrire en puisant dans un registre plus familier, en piochant dans l’argot, par exemple. Pour ne pas vous mettre en difficulté avec la versification, adoptez la prose si vous êtes plus à l’aise. Votre fable s’adapte à son public, tout en gardant la saveur du propos !

* Dominique Brisson est auteur de romans et de documentaires pour la jeunesse, elle a écrit avec Géraldine Doulbeau Vive La Fontaine !, Éd. Cours toujours, 60 p. ; 12 €. Elle en est aussi l’éditrice.

>>> Pour accéder à notre cahier spécial Jean de La Fontaine : Jean de La Fontaine : 400 ans et pas une ride !

Les indispensables

Pour les enfants .↘ Vive La Fontaine ! de Dominique Brisson et Géraldine Doulbeau, Éd. Cours toujours, 60 p. ; 12 €.

↘ Les Fables de La Fontaine : le cahier de dessin animé , illustré par Claire Faÿ, coédition Éditions animées avec la RMN, 32 p. ; 17,90 €.

↘ Les Fables de La Fontaine dynamitées , d’Alexandre Jardin, illustré par Fred Multier, Éd. Gautier-Languereau, 152 p. ; 15,95 €.

Pour approfondir ses connaissances .

↘ Jean de La Fontaine et son époque au fil des Fables , de Pascal Tonazzi, Éd. Degorce, 214 p. ; 12 €. Du même auteur : Mythologie et Monde antique dans les Fables de La Fontaine , Éd. Tautem, 144 p. ; 21 €.

Le bulletin trimestriel de l’Association pour le musée Jean-de- La-Fontaine à Château-Thierry. Rens. : asso.jdlf@16ajm9m11gmail-com

Pour s’initier à l’univers de l’auteur .

↘ Tout sur La Fontaine (ou presque) , de Martine Pichard, Éd. Cours toujours, 128 p. ; 20 €.

Beau livre .↘ Jean de La Fontaine , fables illustrées par Jean-Baptiste Oudry, Éd. Diane de Selliers, 632 p. ; 65 €.

Un bel hommage .↘ Mon cher Jean, de la cigale à la fracture sociale , de Metin Arditi, Éd. Zoé, 128 p. Des exemplaires sont disponibles sur le marché de l’occasion.

Dans les pas de La Fontaine

Plusieurs parcours sont proposés à Château-Thierry, la ville natale de La Fontaine.

↘ Circuit pédagogique mêlant histoire, street-art et œuvre monumentale. Gratuit.

↘ Sortie familiale « Le fabuleux destin de Jean de La Fontaine » : devinettes, illustrations, voyage dans le temps sont au cœur de cette sympathique balade. Vendredi 23 juillet à 15 h 30 et vendredi 20 août à 15 h 30.

↘ Découverte historique « Jean de La Fontaineet la gloire du siècle de Louis XIV ». Visite de l’hôtel-Dieu et de son musée avec de nombreux objets d’art datant du XVIIe siècle. Rens. : Maison du tourisme, Les portes de la Champagne : 03 23 83 51 14 ; lesportesdelachampagne.com et le musée Jean-de-La-Fontaine : 03 23 69 05 60.

L’association pour le musée de Jean-de-La-Fontaine concocte différents parcours, autour de la maison natale du fabuliste.

Rens. : (celle-ci propose également un ouvrage pour vous plonger dans l’univers et les œuvres moins connues de l’auteur).

Comment écrire une fable avec des animaux ?

Les animaux choisis doivent donc coller avec la morale finale. Mettre des animaux qui ne vont pas ensemble pour créer une relation entre eux, comme souris/serpent, chat/chien, dauphin/dragon, rat/chat, par exemple. Enfin, la fable ne doit comporter qu'une seule problématique, très simple et facilement identifiable.

Comment faire sa propre fable ?

SOMMAIRE.
Trouver une morale et son titre..
Décrire une situation de départ..
Dépeindre des personnages..
Faire progresser l'intrigue..
Déboucher sur une solution..
Composer à la manière de La Fontaine….
Les erreurs à éviter..
Et aussi : détourner une fable..

Comment faire la morale d'une fable ?

Dans le cadre d'une fable, la morale de l'histoire est généralement réduite à une seule phrase cinglante X Source de recherche . Tâchez de délivrer votre morale d'une manière qui résume à la fois le problème, l'épilogue et ce que l'on devrait tirer de cette conclusion.

Quelle est la morale de la fable Le loup et le renard ?

L'ironie de La Fontaine est perceptible avec le mot «camarade» qui est ici une antiphrase; on sait très bien qu'il n'y a aucune solidarité entre le Loup et le Renard, cet adjectif préfigure la moralité: aucune camaraderie n'est possible entre les courtisans.